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16 mars 2013 6 16 /03 /mars /2013 13:28

  

Adel Khedhri est mort mardi 12 mars 2013 à 8heures 30 devant le théâtre de Tunis, il avait 27 ans. Adel Khedhri était  originaire du village de Souk-Jemaa, au nord-ouest de la Tunisie, où vivaient misérablement sa mère et ses deux frères dont il avait la charge, étant orphelins de père.   

Il a mis fin à ses jours ce matin-là de bonne heure. Il  ne voulait pas passer une journée de plus dans son monde de souffrances. Il  s’est immolé devant le théâtre de Tunis, où l’on a pris l’habitude de se rassembler depuis la Révolution. C'est le 160e suicide par le feu depuis celui de  Mohamed Bouazizi, qui a été à l'origine du départ de Zine Eddine Ben Ali.   

Il a voulu envoyer à la terre entière l’image de toute la misère qu’il symbolisait.

Image atroce d’un homme, assis sur le sol, noirci par le feu, brulé, déchiré, boursoufflé,  plaie humaine hébétée, vivant encore pour quelques instants, pour quelques heures, toujours conscient, il observe, dans un silence pesant, sans aucune plainte, les quelques personnes qui se trouvent là avec la police et qui se tiennent à distance. Un spectacle que personne ne pourra jamais oublier.  

Image d’une cruauté totale, encore accentuée par ce sac,  posé près de lui. Toutes ses affaires sont là, tous ses effets sont rassemblés dans ce ballot, noir lui aussi, recueil de la pauvreté de toute une vie qui s’est achevée  à 27 ans.

On pense maintenant à sa mère accablée, à ses frères  apprenant la nouvelle, on pense à l’espoir qu’ils avaient mis en lui, lorsqu’il était parti à Tunis, il y a quelques mois.

On pense à son enterrement à Souk-Jemaa, dans sa ville natale, après le retour du corps à la maison pour le pleurer, ses proches, ses amis d’enfance, ses camarades de classe, des  centaines et des centaines de villageois, de cette région déshéritée de la Tunisie, bouleversés par ce destin tragique.

On pense à sa vie, qui  a été celle de nombreux jeunes tunisiens, que la Révolution a continué d’ignorer. Comme tant d’autres avant lui, il s’était rendu dans la ville capitale, dans l’espoir de trouver comme l’on dit « un morceau de pain pour lui et pour les siens ». Il a vite compris qu’il n’avait  rien à attendre  de son exil. Sinon la mort, qui n’a alors cessé de lui travailler l’esprit

Avant de s'immoler, il a  lancé : «Voilà la jeunesse qui vend des cigarettes, voilà le chômage, Dieu est le plus grand».

L’acte d’Adel Khedhri a été réfléchi, préparé,  prémédité, il n’a pas agi sur un coup de colère. Le Premier ministre tunisien, qui a été investi dans ses fonctions le jour même de sa mort, -tout un symbole- a déclaré : « C’est un incident triste, j’espère que nous avons tous compris le message. »  

Il n’aura pas eu de glorification, il n’aura pas de place à son nom, sa famille n’aura pas de pension. Un fait divers banal, un incident a dit le Premier ministre. Des marchands ambulants  sont venus exprimer leur tristesse et leur colère sur les lieux du drame.

Il n’est pas mort, comme tant d’autres, pour la cause de Dieu, il n’aura pas le titre prestigieux de chahid (martyr). Il est seulement mort de désespoir. Il repose désormais en paix. Que Dieu ait pitié de son âme.

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