Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 août 2012 3 15 /08 /août /2012 09:55

 

Alors que l’on tenait pour acquis après le 14 janvier 2011 que le couple BENALI qui avait régné sur la Tunisie pendant plus de deux décennies s’était dissous dans l’incommensurable infini, Leila BENALI a surpris tout son monde en tenant à répliquer à ses détracteurs.

 

Le plus simple n’aurait-il pas été pour elle de laisser le temps faire son œuvre ? D’ici quelques années au plus, tout serait définitivement tombé dans l’oubli de l’histoire de la Tunisie.

 

Leila BENALI a refusé la facilité et a eu une exigence de vérité, « sa vérité », avec tous les risques que comporte l’ouverture d’un tel débat. Elle n’a pas voulu partir dans le silence des coupables.

 

Il y a là un défi à la raison, une forme de courage, certains diront d’arrogance, qui ne peut laisser insensible. C’est aussi l’expression d’une fierté, celle du petit peuple de la Médina de Tunis dont elle est issue, le peuple des petits boutiquiers, des familles nombreuses souvent recomposées, avec des filles toujours très belles, qui rêvent du prince charmant, le mariage étant souvent leur seul avenir, leur seule promotion sociale.

 

Lorsqu’elle épousa l’ambitieux BEN ALI et plus encore lorsque celui-ci parvint à la magistrature suprême dans les conditions que l’on sait, Leila BENALI deviendra ipso facto la proie rêvée de toute l’intelligentsia tant tunisienne que parisienne. On vit en particulier enfler une singulière rumeur, selon laquelle elle était coiffeuse.

 

On se mit alors à la désigner de la sorte avec le plus profond des mépris,  preuve ainsi faite  « par la condition sociale », qu’il s’agissait d’une usurpatrice qui avait su séduire par mille ruses, celui qui deviendra le Président de la République tunisienne.

 

Avec beaucoup d’autres, le très chevronné journaliste et écrivain Nicolas BEAU en fit ses choux gras. Serge MOATI, homme de gauche et journaliste réputé devait en faire la pierre angulaire de son livre, « Dernières nouvelles de Tunis », véritable pamphlet contre les époux BENALI, contre lesquels il n’avait pourtant rien trouvé à redire jusqu’à leur exil en Arabie saoudite.

 

Eprouvant le besoin de me singulariser, ce qui est une sorte d’excuse anticipée, j’ai pris le parti de ne pas accabler à mon tour « la petite coiffeuse devenue Régente ». 

 

Leila BENALI revendique avoir échoué au bac par trois fois et n’avoir en tout et pour tout qu’un diplôme de sténo - dactylo. Elle n’a jamais été coiffeuse, aujourd’hui, personne ne le conteste plus.

 

Curieux tout de même que pendant toutes ces années on n’ait jamais fait la moindre recherche sur ce point précis, qui se trouvait être l’angle d’attaque contre un Président à la personnalité à l’évidence falote, puisqu’il s’était laissé séduire par la première petite coiffeuse venue. 

 

Dans « Ma vérité », Leila BENALI va  bien sûr se défendre, mais elle ne va pas manquer de faire son autocritique. Elle reconnaît que ses frères, les TRABELSI, ont donné du Régime dirigé par son mari une image détestable et que leur comportement fut certainement la cause principale du discrédit qui finira par l’emporter.

 

Elle dit qu’elle n’a pas eu suffisamment conscience de cette situation et admet avoir été trop faible avec ses frères, sorte d’aveu sur sa connaissance de leurs turpitudes.  

 

Mais elle relativise sa propre responsabilité en en rejetant la part principale sur tous ceux qui les recevaient à bras ouverts, dans les tribunaux, les administrations, partout où s’exerçait le pouvoir, sans même qu’il soit nécessaire que le Président lui-même, directement ou indirectement, demande quoi que ce soit. On cherchait à plaire au souverain en favorisant ses proches, c’est un grand classique.  

 

Les milieux d’affaires se disputaient les TRABELSI, leur influence les aiderait dans leurs projets,  acquérir des marchés, accélérer les formalités, obtenir des passe-droits. 

 

Les collaborateurs du Président, quant à eux, qui n’ignoraient rien de tout ce qui se passait, se gardaient bien d’attirer son attention sur les risques que ses beaux-frères lui faisaient courir. Ils gardaient le silence, c’est le fameux skât qui a toujours servi de règle absolue dans les palais des Beys.

 

Et il ne fait aucun doute que tous ont cherché à complaire aux TRABELSI devenus alors synonymes de corruption et d’injustice. Leila BENALI dit avec une grande lucidité : « Nous avons servi de repoussoir et avons fourni les motifs de dénigrement…Nous avons été le talon d’Achille du Président. »  

 

Leila BENALI reconnaît que sur ce sujet comme sur d’autres, telle la liberté de la presse, qui aurait pu alerter le Palais sur la gravité du danger, la responsabilité du régime est entière.

 

Mais Leila BENALI, porte à son crédit une économie tunisienne dont les instances internationales ont reconnu le formidable essor.       

 

Elle défend encore son dictateur de mari, en mettant à son actif le fait qu’il n’y eut sous son règne qu’une seule exécution capitale pour un criminel qui avait commis des assassinats multiples d’enfants.  BENALI avait donné comme instruction aux différents ministres de la justice de ne pas lui présenter les recours en grâce. BENALI n’a pas de sang sur les mains, on ne lui impute aucune exécution d’opposant, alors que l’on vient de célébrer le 51e anniversaire de l’assassinat de Salah Ben YOUSSEF pour lequel son prédécesseur a été mis en cause.

 

Au contraire ajoute-t-elle, c’est BENALI qui a empêché l’exécution voulue par BOURGUIBA de Mohamed GHANOUCHI, le leader du mouvement islamiste ENNAHDA actuellement au pouvoir et il n’a jamais exercé de poursuite à l’encontre de Moncef MARZOUKI le nouveau  président de la République.

 

Pour Leila BENALI, son mari a été victime de son entourage, dont une partie serait actuellement parmi ses plus grands détracteurs et même pour certains des proches du régime. Ses amis, elle les compte aujourd’hui « sur les doigts d’une seule main ». Elle dit préférer toutefois cette situation, à celle qu’elle a connue, faite d’hypocrisie et de perversité de la part de courtisans plus préoccupés par leurs propres ambitions que par l’intérêt public. 

 

L’explication qu’elle donne sur ce fameux 14 janvier 2011,  va encore en ce sens. Son mari n’avait plus aucune prise sur la police ni sur l’armée, le pouvoir lui ayant complètement échappé en quelques instants. Ils se sont retrouvés seuls, tous seuls au pied de l’avion, sans comprendre ce qui venait de se passer.  

 

Dans « Ma vérité » Leila BENALI apparaît comme soulagée d’en avoir fini avec tout ça. Un peu comme ce fut le cas pour Habib BOURGUIBA, à qui elle ne manque pas de rendre hommage, et pour qui la destitution fut une délivrance.

 

On ne trouve à l’occasion de ses entretiens aucun ressentiment, juste un peu d’amertume sur la réalité de la nature humaine. Ils étaient en fin de course, une sorte de séparation presque par consentement mutuel, après seulement quelques mises au point voulues par Leila BENALI,  qu’elle n’avait pas eu le temps de faire compte tenu de leur départ précipité.      

 

*Livre d’entretiens publié aux éditions du Moment

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
Il s'agit plutôt du Cheikh Rached Ghanouchi, leader d'Ennahdha et non de Mohamed Ghanouchi, dernier Premier Ministre de Ben Ali.
Répondre