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13 juin 2012 3 13 /06 /juin /2012 14:33

« Le mieux est souvent l’ennemi du bien ». Jusqu’en 2002, l’article 222-33 du code pénal disposait que le harcèlement sexuel était « Le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions(…) »

 

Estimant que la loi n’était pas suffisamment protectrice des victimes, en 2002, le législateur a modifié cet article juridiquement parfait, en supprimant les éléments permettant de le définir, ce qui devait le rendre d’application plus simple.

 

L'article a été rédigé comme suit : « Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. »

 

A la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel a déclaré l’article 222-33 inconstitutionnel, car trop flou et trop imprécis.

 

Les procédures en cours sont alors devenues caduques, et la loi pénale n'étant pas rétroactive les faits de harcèlement sexuel ne pourront plus être poursuivis jusqu'à promulgation d'une nouvelle loi, et seulement pour les faits qui seront postérieurs à cette promulgation.

Le nouveau texte adopté ce mercredi 13 juin en Conseil des ministres,  prévoit deux types de harcèlement.

 

La première forme, punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende, consiste à « imposer à une personne, de façon répétée, des gestes, propos ou tous autres actes à connotation sexuelle soit portant atteinte à sa dignité, en raison de leur caractère dégradant ou humiliant soit créant pour elle un environnement intimidant, hostile ou offensant ».

 

Il appartiendra aux juges de déterminer au cas par cas, ce que l’on doit entendre par acte à connotation sexuelle selon la nouvelle loi.

 

On peut dire cependant qu’il s’agit de tout acte dont l’objet est d’aboutir à une relation charnelle.

 

Le texte précise que cet acte est attentatoire à la dignité, c'est-à-dire qu’il sera commis sans égard ni respect pour la personne concernée, ou qu’il créera pour elle « un environnement intimidant, hostile ou offensant », c'est-à-dire qu’il sera ressenti par cette dernière comme une pression insupportable.

 

Autrement dit, la demande, que le projet de loi exige « imposée » et « répétée », de relation sexuelle, sous quelque forme que ce soit, devra contenir un caractère irrespectueux ou de nature à faire pression sur la personne qui en est victime.

 

Ce type d’acte est en dehors du jeu qui peut exister entre un séducteur et une personne que ce dernier  cherche à séduire. Un homme pourra parfaitement complimenter sa collègue de travail, sur sa toilette, lui marquer son intérêt avec une certaine insistance, même si cela pourra parfois apparaître comme gênant ou désagréable pour cette dernière, sans que cela ne soit ni dégradant ni humiliant. 

 

Autrement dit, les juges devront distinguer entre « faire la cour » qui fait parti du domaine de la vie courante, et le  « harcèlement », qui apparaît comme une agression quasi-physique.

 

Ils devront tenir compte de la personnalité des personnes, de leur âge, de leur situation professionnelle,  de leur condition sociale et de tous autres éléments de nature à les éclairer sur le caractère de ce qui est recherché par l’un et de la perception que peut en avoir l’autre.

 

Dans la seconde situation, « est assimilé à un harcèlement sexuel », le fait mentionné dans le premier cas qui, « même en l’absence de répétition, s’accompagne d’ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave accomplis dans le but réel ou apparent d’obtenir une relation sexuelle ». Dans ce cas de figure, les faits seraient punis de deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende.

Ici le fait de harcèlement peut-être unique, car beaucoup plus grave, puisque l’agression est directe et univoque, mais accompagnée d’autres éléments qui pourraient même pour certains d’entre eux faire l’objet d’une incrimination distincte.

 

On peut dans ce second cas de figure y déceler une violence plus directe encore et plus pressante. Nous sommes ici pratiquement entre le harcèlement et la tentative de viol.

 

« C’est un texte compliqué, c’est une usine à gaz », a réagi Marilyn Baldeck, la déléguée générale de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT).

Il est sûr que si le texte est très protecteur pour les harceleurs en puissance, il l’est beaucoup moins pour les victimes, qui en présence d’une incrimination aussi précise devront rapporter la preuve des gestes, propos ou actes à connotation sexuelle.

 

S’il y a des écrits ce sera assez simple, à condition que la présumée victime les conserve. Dans le cas contraire, sauf la présence de tiers et à condition qu’ils acceptent de témoigner, il sera très difficile pour la victime d’en rapporter la preuve.

 

S’il est vrai que le texte actuel est moins favorable pour les victimes d’actes de harcèlement que le précédent, on ne peut faire l’économie de la protection des individus qui doit être assurée, sauf à risquer, en voulant trop protéger une catégorie de citoyens, même de la façon la plus louable qui soit, à ne pouvoir le faire qu’au détriment d’une autre..   

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