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8 janvier 2013 2 08 /01 /janvier /2013 13:50

 

 

Même si sur la fin du débat il a craqué, Jean-Luc Mélenchon a tout fait pour donner de lui une image modérée, faite de conciliation et de mesure. D’entrée de jeu lorsqu’Yves Calvi l’interpelle sur le tweet diffusé avant l’émission, « Tous avec la vraie gauche », il n’a manifestement pas souhaité s’étendre sur le sujet. « Ce n’est pas moi qui était derrière le compte tweeter » « C’est mon community manager »(…) « C’est une bêtise »…

 

Jérôme Cahuzac le remerciera de ne pas « avoir accepté d’être l’arbitre des élégances, sur qui est de gauche et qui ne l’est pas. » Les deux débatteurs se montrant d’accord pour reconnaître qu’ils avaient des racines communes. Tel était donc l’état d’esprit qui les animait en début d’émission. Une sorte de deal tacite, Jérôme Cahuzac allant même jusqu’à ajouter qu’il avait longtemps été accusé de social libéralisme et qu’il était heureux que l’on reconnaisse que ce courant de pensée soit de gauche.       

 

On entra ensuite dans le vif des sujets.  Sur les 75% tout d’abord. Tandis que Jérôme Cahuzac mettait en cause le Conseil d’Etat, à qui il appartenait de vérifier la régularité juridique de la loi,  Jean-Luc Mélenchon attribuera la censure au Conseil Constitutionnel, qui doit se garder de prendre des décisions politiques. S’étant ensuite laissé aller à se montrer impertinent envers le Chef de l’Etat, en lançant : « l’autre a inventé ça [les 75%] sur le coin d’une table », il devait, sur la remarque d’Yves Calvi, « l’autre  c’est le président de la République » rectifier immédiatement, « Oui mais il n’était pas encore Président de la République ».

 

Jérôme Cahuzac affirmera ensuite que « la grande réforme fiscale promise par François Hollande  est faite ». Yves Calvi bondira et s’étonnera de ce qu’elle n’était pas ce qui avait été annoncé, à savoir la fusion CSG/ impôts sur le revenu,   Jean-Luc Mélenchon se contentera de  dire « c’est la grande nouvelle de la soirée ».

 

Il suggèrera seulement  de faire payer aux exilés fiscaux ce qu’ils auraient payé s’ils étaient restés en France d’autant que cette excellente idée avait été aussi celle de Jérôme Cahuzac, alors président de la commission des finances. Jérôme Cahuzac lui opposera que les conventions fiscales ont valeur de traité,  qu’elles s’imposent à la loi.  Jean-Luc Mélenchon se contentera d’un « on est d’accord » et donnera même la règle en latin. « Pacta sunt servanda ». Il  ajoutera timidement qu’il faudrait dénoncer les conventions fiscales, mais ne trouvera rien à rétorquer à Jérôme Cahuzac qui fit valoir qu’il faudrait trop de temps pour envisager de telles procédures.  

 

Jean-Luc Mélenchon se contentera de reprendre de ci de là des formules toutes faites comme « il faut frapper les financiers » ou « il faut une réorganisation générale des impôts » ou encore, « Les riches et les très riches se gavent, ceux qui ont beaucoup doivent payer », formules placées comme des clauses de style, dans une conversation convenue entre gens de bonne compagnie.  

 

De la même façon, sur l’affaire Depardieu, il affirmera : «  Je ne dis pas que vous avez dit ils vont partir [les riches] si on prend telle disposition (…) Mon problème ce n’est pas vous, c’est la droite. », ce qu’il faut « c’est frapper les paradis fiscaux ». Mais ne précisant pas comment il s’y prendrait et refusant de répondre à Yves Calvi celui-ci lui dira qu’il avait du toupet et  Jérôme Cahuzac en profitera pour un petit tacle sans gravité « faute avouée à moitié pardonnée ».

 

Jean-Luc Mélenchon se voulant décidément très conciliant dira dans le cours d’une phrase « Je le dis à Montebourg, tu n’y arriveras pas sans interdire les licenciements boursiers », montrant par la même qu’il discutait avec les membres du gouvernement et même qu’il leur donnait des conseils. Il ajoutait au grès de la discussion, des phrases comme : « Il ne s’agit pas de punir, d’étrangler, de montrer du doigt ».

 

Sur la CSG il reconnaitra, plein d’humilité,  son incompétence « si on m’avait dit que le sujet serait abordé, j’aurais étudié la question ». Autre réplique, toujours à fleuret moucheté, « Mon cher professeur, ce n’est pas dans vos moyens de me fâcher » ce à quoi Jérôme Cahuzac répondra, qu’il n’était pas dans ses intentions de le fâcher et qu’il s’était d’ailleurs promis de ne pas le faire.

 

Sur le remboursement de la dette « Je ne veux pas affoler, je ne veux pas peindre du noir sur du noir ». Il ne parlera plus de ne pas rembourser la dette, mais seulement « de la rembourser quand on pourra ». Les choses allaient ainsi gentiment leur petit train-train.

 

Et puis  Jérôme Cahuzac, durcira alors le ton, sans que l’on sache trop pourquoi : « Je pense que vous êtes sincère, mais je pense aussi que vous trompez votre monde, faire croire que l’on va rembourser la dette comme par magie, c’est se foutre du monde. ».

 

Jean-Luc Mélenchon à son tour parlera  de « hollandréou » pour prédire que la politique du gouvernement conduira la France à la situation que connaît la Grèce ? C’est là que Jérôme Cahuzac lui lança sèchement « Arrêtez de faire le clown ! ». Jean-Luc Mélenchon ne put cette fois-ci se contenir, je ne vous ai jamais traité « de clown ou de corrompu », faisant alors directement allusion à son affaire.

 

Deux politiques fondamentalement différentes qui s’opposaient désormais ouvertement. Les coups se mirent à partir des deux côtés, Jérôme Cahuzac lui lançant en particulier qu’il n’avait jamais rien gagné sur la droite. « Vous êtes incroyablement arrogant ! » répliqua Jean-Luc Mélenchon. Jérôme Cahuzac insistera, «  4 millions de suffrages, cela  ne mérite pas que l’on fasse le clown. » ce qui conduira le leader du Front de gauche à un laconique « vous vous êtes montré comme vous êtes. » Clown, corrompu, le deal de départ était bel et bien rompu.

 

A la fin de l’émission Jean-Luc Mélenchon apostrophera celui qui était tout à coup devenu son adversaire, avec une particulière véhémence : « Vous allez à l’échec, vous avez échoué partout et vous le savez » Jérôme Cahuzac sans prendre la moindre précaution lui asséna que c’était en réalité ce qu’il souhaitait. Jean-Luc Mélenchon n’a pas tenu la distance, il s’est découvert en fin de parcours, il n’a pas résisté aux attaques du ministre du budget.

 

Jean-Luc Mélenchon a certainement voulu donner une image plus responsable de lui. Et puis et surtout se profilent les municipales. Diviser la gauche serait catastrophique pour les communistes qui ne peuvent perdre leurs implantations locales. Ils ont bien dû le lui marteler avant l’émission.

*France 2, lundi 7janvier 2013

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