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5 avril 2013 5 05 /04 /avril /2013 13:18

    Article publié le 5 avril  2013 dans l'Express.fr    

J’ai connu l’époque pas si lointaine où en Corse, les femmes ne se rendaient  pas au cimetière pour  accompagner les défunts à leur dernière demeure. Je m’en étais étonné et l’on m’avait expliqué qu’il s’agissait d’une tradition qui remontait à une époque où les conflits se réglaient bien plus qu’aujourd’hui dans le sang et où la responsabilité était collective. Les obsèques d’un parent étaient l’occasion la plus propice  pour anéantir un clan, au moment où toute la communauté familiale était réunie.

Cette responsabilité collective  est issue des sociétés primitives. Les sociétés évoluées, où l’Etat s’est substitué à la vengeance privée, l’ont abandonnée au profit de la responsabilité individuelle.

En reviendrait-on pour les politiques, à la responsabilité collective ?

Sauf à démontrer qu’ils étaient au courant de la situation, ce qui paraît plus qu’improbable, en quoi François Hollande, Jean-Marc Ayrault, les députés socialistes et le gouvernement sont-ils responsables politiquement  de l’ouverture d’un compte bancaire en Suisse par Jérôme Cahuzac, dans les années 90 ? De même, en quoi le parti socialiste et au premier chef le président de la République, peuvent-ils se trouver concernés par le fait que le trésorier du candidat socialiste à l’élection présidentielle a enregistré deux  sociétés aux îles Caïmans, sans que l’on sache à l’heure qu’il est si l’opération est ou non illégale ?

Les politiques auraient-ils  désormais une obligation de probité qui engagerait leur responsabilité politique, pour des faits commis par d’autres, du simple fait qu’ils sont comme eux des politiques ?    

Cette responsabilité est d’autant plus injuste, qu’il n’est pas nécessaire que ce soit un  manquement commis dans le cadre de l’exercice de fonctions publiques ou à son  occasion, tels actes de corruption, fraudes, favoritisme lors par exemple de l’attribution de marchés publics.

Aujourd’hui, même si le manquement n’a rien à voir avec les activités politiques de l’intéressé, même s’il est d’ordre privé, même s’il est difficilement détectable parce que fort ancien, comme en l’espèce, le responsable politique et en définitive la classe politique toute entière en portera, aux yeux de certains, la responsabilité.     

L’exemple de Marine Le Pen dont Roland Cayrol, a pris la défense à juste titre dans l’émission « c dans l’air » de ce jour 4 avril est encore plus significatif. L’un de ses amis,  avocat, a ouvert dans le cadre de son activité professionnelle et donc semble-t-il régulièrement, le compte objet du tumulte que nous connaissons. A l’époque Marine Le Pen était âgée de 22 ans et venait de terminer ses études. Comment peut-on alors la rendre responsable de tous les actes légaux ou illégaux passés par ses proches, ses amis, ou ceux qui le deviendront, depuis cette époque et  pendant ces deux dernières décennies ?

De même que l’on apprend à l’instant que le parquet de Bordeaux envisagerait de requérir un non-lieu dans l’affaire Sarkozy-Bettencourt, dans laquelle l’ancien président avait été mis en examen pour abus de faiblesse. S’il s’avérait qu’il n’existait pas de charges contre ce dernier, ou qu’elles étaient manifestement insuffisantes pour une mise en examen, ce que laisseraient entendre les réquisitions du Procureur, il faudrait alors s’interroger sur le dommage causé à l’institution politique toute entière.    

Défendre les politiques, n’est pas dans l’air du temps et peu nombreux seront ceux qui approuveront ma prise de position. Mais j’ai en mémoire la loi anticasseurs où l’on avait prévu de poursuivre quelqu’un pour des délits ou des crimes commis par d’autres, loi scélérate et abjecte qui avait déclaré non conforme à la constitution. Je ne voudrais pas que sous une autre forme, ce type de lois s’applique à d’autres, fussent-ils des politiques. Je me souviens aussi d’un petit cousin d’Alain Juppé, alors Premier ministre, qui avait commis je ne sais plus quel délit, ce qui avait conduit ce dernier à aller s’expliquer à la télévision devant les français, pour dire qu’il s’agissait d’un cousin très éloigné avec lequel il n’entretenait aucune relation…  « Si ce n’est toi c’est donc ton frère… »

Défendre les politiques c’est refuser de rendre responsable l’ensemble de la classe politique des manquements commis par certains d’entre eux ou par des proches, car cela porte atteinte à l’idée même de justice. C’est refuser d’admettre une sorte d’action sacrificielle par laquelle on offrirait au peuple, pour se le concilier, une ou plusieurs victimes expiatoires prises parmi les politiques proches de l’auteur du méfait. 

 

Défendre les politiques, c’est défendre la démocratie qui ne pourrait survivre si la théorie du « tous coupables » l’emportait.

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