Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 mars 2013 3 27 /03 /mars /2013 07:08

La question qui se pose n’est pas de savoir ce qui pourrait faire que  Nicolas Sarkozy se représente en 2017, mais ce qui pourrait faire qu’il ne se représente pas.

Ses déclarations, pendant la campagne électorale, selon lesquelles en cas d’échec, il abandonnerait la politique, sont désormais caduques. Sans qu’il soit nécessaire d’être un psychologue averti, on n’imagine pas un tel homme finir sa carrière politique, sur un échec. Il a été blessé, peut-être même humilié par tout ce qui s’est dit  après son départ, il a mal vécu la cérémonie de passation de pouvoirs à l’Elysée, et la mise en examen qui lui a été notifiée pour abus de faiblesse a été  le coup de trop. Il sera candidat en 2017.  

Deux écueils sont présents sur sa route : François Fillon et la justice.

Au lendemain de son départ de la scène politique, François Fillon, était son héritier naturel. Premier ministre de son  quinquennat, il en a incontestablement la stature et les enquêtes le donnaient largement favori, par rapport aux autres prétendants en particulier à Jean-François Copé. Il avait su en outre, conserver une certaine distance avec celui dont il disait qu’il n’était pas son mentor.

Mais François Fillon n’a cessé de s’affaiblir, en prenant des initiatives qui l’ont desservi. Il est venu se faire élire à Paris, dans une circonscription plus sûre que celle dans laquelle il se trouvait depuis de nombreuses années, il  n’a pas été en mesure de maîtriser l’élection à la présidence du parti  et l’on ne sait toujours pas s’il sera candidat à celle prévue pour la rentrée, il a fait savoir, après un long silence,  qu’il renonçait à se présenter aux municipales à Paris, alors que c’était la justification première de son arrivée dans la capitale, enfin il ne se trouvait pas dans l’hémicycle le jour où Jean-François Copé défendait la motion de censure  apparaissant comme le leader de l’opposition. 

François Fillon a été affaibli par tous ses atermoiements, ses changements incessants de pieds, son manque de volontarisme, pour pouvoir être le prétendant incontestable devant un Nicolas Sarkozy plus déterminé que jamais.

Nicolas Sarkozy n’ayant vu personne s’imposer dans les premiers mois de son départ, en présence de militants désemparés, il a pu déclencher le processus du retour et les évènements judiciaires récents lui sont venus en aide.

L’interview donnée à l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, est d’une grande clarté à cet égard. Il ne se passe pas une semaine, sans  que d’une façon ou d’une autre, on parle de lui. Sondages, chansons « engagées » de son épouse, voyage en Lybie, amis de Nicolas Sarkozy, lui faisant preuve d’un silence complaisant

Reste les affaires. Le juge Gentil l’a mis en examen pour « abus de faiblesse ». Les faits paraissent bien trop ténus pour qu’en l’état, cette affaire soit de celles qui puissent faire obstacle à son retour. 

Le volet financier de l’enquête sur l’affaire Karachi est vide pour ce qui le concerne et pour ce qui est de celui, pour violation du secret de l’instruction, l’Elysée n’avait aucunement besoin d’accéder irrégulièrement au dossier pour en connaitre le contenu. Les parquets adressent, dans ce type d’affaires, des rapports réguliers au Garde des Sceaux, qui le renseignent par le menu sur l’état de la procédure.

Ziad Takieddine impliqué dans l'affaire Karachi, a affirmé détenir les preuves d'un financement par le régime libyen de Kadhafi de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, hypothèse peu crédible et qui actuellement repose sur les déclarations d’un homme à la personnalité controversée.

Une plainte de l’association Anticor pour délit de « favoritisme » et « détournement de fonds » a été déposée dans l’affaire des commandes de sondages par  l’Elysée. C’est dans cette affaire que l’ancien président me paraît le plus en danger. Le délit de favoritisme est un délit formel. L’absence de mise en concurrence, soulignée par la Cour des Comptes, est constitutive de l’infraction. S’il paraît très peu probable que Nicolas Sarkozy ait signé les commandes de sondages, il pourrait cependant être poursuivi pour complicité, s’il apparaissait que c’est sur ses instructions et dans son intérêt, que ces sondages ont été commandés. Une telle condamnation pourrait alors le conduire à une inéligibilité.

A l’heure qu’il est et sous cette réserve, il ne fait plus guère de doute que Nicolas Sarkozy sera candidat pour 2017.

Partager cet article
Repost0
23 mars 2013 6 23 /03 /mars /2013 16:06

 

Une mise en examen est susceptible de causer, à celui qui en est l'objet, des dommages graves,  irréversibles et injustes,  si par la suite l’intéressé bénéficie d’un non- lieu.(10% des mises en examen)

Le dommage,  que va subir le mis en examen, résulte de la publicité de l’acte dont il est l’objet, celle-ci étant elle-même liée à sa personnalité.

En effet, plus l’indice de notoriété d’un mis en examen est élevé et plus son préjudice, sera grand. Il y a là une inégalité, proportionnelle à la célébrité du mis en examen. Pour certains, la mise en examen ne sera même jamais connue, pour d’autres, elle aura les effets d’un « séisme planétaire », selon l’expression qui fut employée à l’occasion de l’affaire Strauss Kahn.    

Le dommage sera en outre, irréversible. A toute occasion et de façon infinie, les faits pourront-être rappelés. Un doute subsistera toujours, car un non-lieu ne veut pas dire que le mis en cause n’a pas commis les faits objet de la procédure, mais que les preuves recueillies sont insuffisantes ou inexistantes. « Il n’y a pas de fumée sans feu » dit le dicton populaire...

Le juge pourrait-il ne pas procéder à la mise en examen, lorsqu’elle risque d’être plus préjudiciable qu’avantageuse ?

Non ! Car la mise en examen, même contre la propre volonté de celui qui en est l’objet, permet à son « bénéficiaire », contre lequel existent « des  indices graves ou concordants, rendant vraisemblable qu’il ait pu participer à la commission des infractions »  de  se défendre. La mise en examen est censée être prononcée dans son intérêt. Il bénéficiera par son statut de « mis en examen », de l’accès au dossier, du droit d’être assisté par un avocat, il est partie à la procédure,  il aura le droit de faire des demandes au juge et de soulever des nullités.

Depuis une loi du 15 juin 2000, le juge peut décider de n’entendre une personne que comme « témoin assisté », lorsqu’il existe contre  elle « des indices rendant vraisemblable qu’il ait pu participer à l’infraction. » Il ne pourra procéder à la mise en examen de la personne « que s’il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté » (article 80-1 du code de procédure pénale ». Il pourra alors lui aussi bénéficier de la présence d’un avocat et il aura accès au dossier. C »est ici que se situe le cœur de l’affaire concernant Nicolas Sarkozy.

Le problème pour le juge est que s’il venait à continuer d’entendre l’intéressé, contre lequel existent ces fameux  « indices graves ou concordants », en qualité de témoin ou de témoin assisté, il  porterait atteinte à ses droits et pourrait voir annuler la procédure pour violation des droits de la défense. L’article 105 du code de procédure pénale dispose en effet : « Les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction est saisi ne peuvent être entendues comme témoins ».

Le juge aura alors toujours plus intérêt à une mise en examen même hâtive, plutôt qu’à  prendre le risque de voir sa procédure réduite à néant par le prononcé de sa  nullité.

Ce qui pose problème, c’est la médiatisation de la mise en examen  et le fait que celle-ci  ne soit pas motivée. Le   juge se contentera d’affirmer : « Attendu qu’il existe des indices graves ou concordants » sans dire lesquels. 

Personne ne peut rien apprécier, et la chambre de l’instruction qui statuera en cause d’appel, examinera le dossier et non une décision motivée. Elle  préfèrera alors le plus souvent s’en remettre à la décision du  juge d’instruction, pour ne pas contrarier l’évolution de l’affaire et ne pas prendre elle-même de risque procédural.

Il est donc nécessaire que les décisions de mises en examen soient motivées, ainsi que le préconise par exemple l'Institut Montaigne et que l’intéressé ait le droit de les publier afin que chacun puisse en apprécier le bien- fondé. Le juge de son côté, se mettra ainsi à l’abri de toute critique personnelle,  ce sera la décision qui sera le cas échéant discutée, selon ce que la loi autorise.

Partager cet article
Repost0
20 mars 2013 3 20 /03 /mars /2013 14:14

Article publié le 21 mars 2013 dans l'Express.fr   

Dans l’affaire du compte de dépôt que Jérôme Cahuzac aurait ouvert dans une banque Suisse, une information a été ouverte par le parquet de Paris pour blanchiment de fraude fiscale, le mardi 19 mars. La démission du ministre du budget a immédiatement suivi.

Jérôme Cahuzac était nous dit-on,  tant par sa compétence, sa connaissance des dossiers que par son autorité, une des pièces maitresses du dispositif ministériel mis en place pour assurer la gestion de la grave crise que nous traversons. On parle pour le ministère, d’une véritable tuile en cette période particulièrement difficile de restrictions budgétaires, imposées aux départements ministériels, et compte tenu de la qualification retenue : « blanchiment de fraude fiscale »...  

Au-delà de cet évènement, qui a concerné le ministre délégué au budget, un examen attentif de la situation des ministres des finances à proprement parler, qui se sont succédé à Bercy, conduit à s’interroger sur la question de savoir si une « malédiction » ne pèserait pas sur le ministère, depuis qu’il a été transféré du Louvres à Bercy..

Le site de Bercy, situé dans le 12e arrondissement, a été inauguré par Pierre Bérégovoy en 1989, date de son achèvement.

Quinze ministres de l’Économie et des Finances, selon l’appellation la plus courante,  lui ont succédé*, si l’on excepte Pierre Moscovici en fonction. Dix d'entre eux, soit les deux tiers,  ont dû mettre fin prématurément à leurs fonctions, ou/et ont connu un destin contraire à ce que pouvait leur laisser espérer, l’exercice de responsabilités d’une telle importance.

Tragique pour Pierre Bérégovoy, particulièrement humiliante pour Dominique Strauss-Kahn, la fin de ces deux ministres emblématiques de l’Économie et des Finances fut parmi ce que la République a connu de pire.

Le plus célèbre d’entre eux, Nicolas Sarkozy, démissionnera 8 mois après sa nomination, à la suite d’un désaccord profond avec Jacques Chirac : "Je décide, il exécute", avait dit ce dernier au cours d’une fameuse conférence de presse.

Alain Madelin, dont l’avenir politique ne laissait place à aucun doute, démissionnera 3 mois après avoir été nommé, se trouvant en désaccord profond avec la politique de Jacques Chirac, dont il avait pourtant animé la campagne. On n’entendra plus parler de lui dans  l’exercice du pouvoir.

Il en fut de même pour Hervé Gaymard qui  remettra sa démission, trois mois après avoir été nommé, pour avoir choisi un appartement de fonction dont le loyer était hors de proportion avec les moyens de la République. Il était pourtant l’un des poulains de Jacques Chirac. Promis au plus bel avenir, lui non plus ne réapparaitra plus sur la scène publique.

Christian Sautter, qui venait de remplacer Dominique Strauss-Kahn, qui avait lui-même démissionné pour cause "d’affaire", démissionnera à son tour quatre mois plus tard, pour avoir voulu mettre en œuvre un projet relatif aux personnels des impôts, initié par son prédécesseur.

Jean-Louis Borloo, un mois après son arrivée à Bercy, laissera sa place à Christine Lagarde, pour cause de TVA sociale annoncée en pleine campagne des législatives, ce qui coûta bon nombre de députés à la majorité présidentielle.

Aujourd’hui directrice du FMI, Christine Lagarde, femme politique préférée des français, qui a fait un parcours des plus satisfaisants, se trouve à répondre, devant la Cour de Justice de la République, de l’opportunité de l’arbitrage intervenu dans l’affaire Tapie.

Laurent Fabius, avec l’affaire du sang contaminé dont il devait ressortir blanchi, et Édouard Balladur, pour un manquement à l’éthique commis envers Jacques Chirac, furent aussi des locataires de Bercy. Ils n’eurent pas la carrière espérée.

Rappelons enfin, que c’est en décembre 2009, alors qu’il était également ministre du budget, que Noël Mamère interrogera Eric Woerth sur sa double casquette de ministre du budget et de trésorier de l’UMP. Ce fut le début de ses déboires, qui mirent un terme à son ascension politique que d’aucuns jugeaient très prometteuse. .

Seuls cinq ministres ont tiré leur épingle du jeu. Deux ministres des Finances émanant de la société civile, Francis Mer et Thierry Breton. Ils ont fait l’un et l’autre un parcours sans faute, avec un record de longévité, chacun deux ans environ. Trois "politiques", Michel Sapin (1 an), Jean Arthuis (plus de 2 ans) et François Baroin (10 mois et demi) furent aussi épargnés.

Si les choses venaient à perdurer, il est sûr que même les moins superstitieux d’entre nous, (dont je ne fais pas partie), commenceront sérieusement à s’interroger sur le caractère maléfique, pour les politiques, du ministère des finances de Bercy...

* Pierre Bérégovoy, Édouard Balladur, Michel Sapin, Alain Madelin, Jean Arthuis, Dominique Strauss-Kahn, Christian Sautter, Laurent Fabius, Francis Mer, Nicolas Sarkozy, Hervé Gaymard, Thierry Breton, Jean-Louis Borloo, Christine Lagarde, François Baroin, Pierre Moscovici.

Partager cet article
Repost0
18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 18:52

 

Notre intervention en Syrie, en compagnie de nos amis britanniques, ne fait plus de doute. En présence des réticences exprimées par la Belgique et par l’Allemagne, sur la levée de l’embargo par l’Union Européenne, Laurent Fabius a déclaré  jeudi 14 mars que la France, pays souverain,  « saura prendre ses responsabilités ».

Il est prévu que la France livre aux rebelles syriens des armes hautement sophistiquées. Des instructeurs seront selon toute évidence dépêchés sur les lieux du conflit pour en expliquer, à leurs utilisateurs, le fonctionnement ainsi que des techniciens pour en assurer la maintenance. Il est fort probable que des membres des services spéciaux soient également présents dans les zones rebelles pour contrôler la destination de ces armes. Ces personnels retrouveront sur place, des dizaines de leurs compatriotes, jihadistes, qui verront ainsi leur action, illégale depuis la loi du 12 décembre 2012 sur le terrorisme, d’une certaine façon, légitimée.

La France va ainsi se trouver engagée de façon significative, dans un conflit armé, dont l’objet est de faire tomber le régime de Damas, alors que personne n’est en mesure aujourd’hui d’apprécier la portée d’un tel bouleversement, sur cette région du monde.

Cet engagement de la France est d’autant plus singulier, qu’il se fera sans  aucun fondement juridique formel au plan du droit international et qu’il rencontre l’hostilité de plusieurs de nos partenaires européens qui craignent que les armes livrées aux rebelles, comme en particulier les missiles anti-aériens, ne soient un jour utilisées, pour commettre des actes de terrorisme contre des cibles civiles.

Pour justifier de notre intervention, on invoque la doctrine du « droit d’ingérence », compte tenu de la situation du peuple syrien, au regard des droits de l’homme et de la démocratie.

Sur le premier point, la diplomatie française explique que l’on ne peut laisser un dictateur massacrer son peuple. Mais la formule est réversible.  De nombreux peuples ont depuis longtemps été massacrés dans l’indifférence générale et les interventions des grandes puissances ont été trop sélectives, pour qu’elles puissent créer une jurisprudence.  

Quant à la volonté de la France de contribuer à l’instauration d’un régime démocratique en Syrie, chacun sait bien qu’un tel projet n’a aucune réalité, tant par les hommes qui composent la rébellion, que par les pays qui la soutiennent.  

La France aurait-elle alors d’autres motivations ? Certaines comme le marché des armes ou la  politique intérieure seront écartées, car trop viles, elles relèvent du procès d’intention.

Alors quoi ? Avec son intervention au Mali et son rôle dans la bande sahélienne de l’Afrique,  la France a pu être perçue comme étant devenue, l’ennemie privilégiée  des islamistes. Cette situation est de  nature à mettre en péril ses intérêts dans cette région du monde, avec une insécurité grandissante pour ses ressortissants, tandis que les prises d’otage se multiplient.

Il était donc important que la France clarifie sa politique étrangère, en montrant qu’elle n’avait aucune prédilection à lutter contre les mouvements islamistes en tant que tels, sa seule préoccupation étant  le respect des principes fondamentaux du droit international, que ce soit au Mali ou en Syrie.

Partager cet article
Repost0
16 mars 2013 6 16 /03 /mars /2013 13:28

  

Adel Khedhri est mort mardi 12 mars 2013 à 8heures 30 devant le théâtre de Tunis, il avait 27 ans. Adel Khedhri était  originaire du village de Souk-Jemaa, au nord-ouest de la Tunisie, où vivaient misérablement sa mère et ses deux frères dont il avait la charge, étant orphelins de père.   

Il a mis fin à ses jours ce matin-là de bonne heure. Il  ne voulait pas passer une journée de plus dans son monde de souffrances. Il  s’est immolé devant le théâtre de Tunis, où l’on a pris l’habitude de se rassembler depuis la Révolution. C'est le 160e suicide par le feu depuis celui de  Mohamed Bouazizi, qui a été à l'origine du départ de Zine Eddine Ben Ali.   

Il a voulu envoyer à la terre entière l’image de toute la misère qu’il symbolisait.

Image atroce d’un homme, assis sur le sol, noirci par le feu, brulé, déchiré, boursoufflé,  plaie humaine hébétée, vivant encore pour quelques instants, pour quelques heures, toujours conscient, il observe, dans un silence pesant, sans aucune plainte, les quelques personnes qui se trouvent là avec la police et qui se tiennent à distance. Un spectacle que personne ne pourra jamais oublier.  

Image d’une cruauté totale, encore accentuée par ce sac,  posé près de lui. Toutes ses affaires sont là, tous ses effets sont rassemblés dans ce ballot, noir lui aussi, recueil de la pauvreté de toute une vie qui s’est achevée  à 27 ans.

On pense maintenant à sa mère accablée, à ses frères  apprenant la nouvelle, on pense à l’espoir qu’ils avaient mis en lui, lorsqu’il était parti à Tunis, il y a quelques mois.

On pense à son enterrement à Souk-Jemaa, dans sa ville natale, après le retour du corps à la maison pour le pleurer, ses proches, ses amis d’enfance, ses camarades de classe, des  centaines et des centaines de villageois, de cette région déshéritée de la Tunisie, bouleversés par ce destin tragique.

On pense à sa vie, qui  a été celle de nombreux jeunes tunisiens, que la Révolution a continué d’ignorer. Comme tant d’autres avant lui, il s’était rendu dans la ville capitale, dans l’espoir de trouver comme l’on dit « un morceau de pain pour lui et pour les siens ». Il a vite compris qu’il n’avait  rien à attendre  de son exil. Sinon la mort, qui n’a alors cessé de lui travailler l’esprit

Avant de s'immoler, il a  lancé : «Voilà la jeunesse qui vend des cigarettes, voilà le chômage, Dieu est le plus grand».

L’acte d’Adel Khedhri a été réfléchi, préparé,  prémédité, il n’a pas agi sur un coup de colère. Le Premier ministre tunisien, qui a été investi dans ses fonctions le jour même de sa mort, -tout un symbole- a déclaré : « C’est un incident triste, j’espère que nous avons tous compris le message. »  

Il n’aura pas eu de glorification, il n’aura pas de place à son nom, sa famille n’aura pas de pension. Un fait divers banal, un incident a dit le Premier ministre. Des marchands ambulants  sont venus exprimer leur tristesse et leur colère sur les lieux du drame.

Il n’est pas mort, comme tant d’autres, pour la cause de Dieu, il n’aura pas le titre prestigieux de chahid (martyr). Il est seulement mort de désespoir. Il repose désormais en paix. Que Dieu ait pitié de son âme.

Partager cet article
Repost0
13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 06:42

  

Cet article  a été sélectionné par le journal en ligne l'EXPRESS.fr et publié à sa Une le 12 mars 2013

Exit Cécile Duflot. Il paraît que le logement a absolument besoin de ses compétences. Elle a donc fait savoir qu’elle ne se lancerait pas à l’assaut de l’Hôtel de Ville. Ou plus exactement, c’est son conseiller-porte-parole,  Jean-Vincent Placé, qui l’a «invitée » à ne pas être candidate… ça tombe bien pour elle. On est plusieurs à avoir « comme l’impression » qu’elle a pris goût à la chose et qu’elle préfère, et de loin,  le confort de son ministère, aux estrades électorales poisseuses des arrondissements parisiens. Il est sûr par ailleurs, sans vouloir polémiquer, que pour la ministre du logement, l’épreuve aurait été d’une toute autre dimension que celle consistant à conquérir un siège de député, dans un arrondissement archi-acquis à la gauche, ou à se faire élire sur une liste, avec Daniel Cohn Bendit comme locomotive.  

Exit aussi Marielle de Sarnez, qui ne peut prétendre jouer les premiers rôles, à raison de la faiblesse du Modem, malgré une implantation parisienne  non négligeable et une personnalité qui la met à la hauteur des favorites. Idem pour Rama Yade avec l’UDI.

Quant à Rachida Dati, qui ne manque ni de talent, ni de sens politique, sa parisianité, qui a résulté de la seule volonté de Nicolas Sarkozy de lui octroyer un fief dans la capitale, sera insuffisante pour asseoir sa légitimité.

Reste, pour le moment, Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet.

Anne Hidalgo est « proposée » par Bertrand Delanoë pour lui succéder. C’est certainement une bonne gestionnaire. Elle est inspectrice du travail et a été conseillère dans différents cabinets ministériels, elle aura été une première adjointe parfaite. Mais un maire de Paris doit, pour pouvoir s’imposer, avoir fait ses preuves dans des combats électoraux de premier plan. Anne Hidalgo n’a jamais émergé des confrontations électorales dans lesquelles elle s’est engagée. Elle fait l’objet d’un déficit de notoriété certain. Elle ne fait pas partie des têtes d’affiches de la politique nationale. Anne Hidalgo est trop lisse, trop ronde, rien ne dépasse rien ne la distingue du commun. Sa voix trainante et monocorde, ne permet pas de savoir si elle se réjouit ou si elle s’indigne. Un maire de Paris doit-être un peu hors norme. Et le problème d’Anne Hidalgo, est d’être dans une normalité un peu trop parfaite.

Face à elle, se trouve, une personnalité de feu : Nathalie Kosciusko-Morizet. Elle est tout son contraire. Sortie victorieuse des combats les plus difficiles, elle a battu aux dernières législatives une alliance objective Gauche - Front National. Elle a du courage à revendre, n’hésitant pas à sacrifier sa mairie de Longjumeau, pour se lancer pratiquement seule, dans un combat dans lequel ni François Fillon, ni Jean-Louis Borloo n’ont osé aller, tant l’issue est incertaine.

Juchée sur de hauts talons qui accentuent encore une silhouette déjà très élancée, cette jeune femme au physique anguleux, au regard perçant et déterminé, capable de tous les éclats, ne se départit jamais d’une certaine distinction naturelle et de bon aloi. Une femme très tendance, qui exaspère et qui intrigue, exactement comme les aiment les milieux qui font l’élection dans la capitale. Cerise sur le gâteau, on l’identifie par ses  initiales, signe incontestable d’une certaine notoriété.

NKM dispose à l’évidence de  tout ce qu’il faut, pour séduire un électorat parisien, de droite comme de gauche, qui risque fort d’être tenté par le profil atypique de cette ancienne ministre de l’environnement. Elle a même réussi le tour de force d’être la porte-parole du candidat Sarkozy, tout en conservant sa personnalité hybride : de droite et progressiste. Elle est, à n’en pas douter,  un véritable danger pour la gauche.

La première adjointe joue, quant à elle, « petit bras ». Son démarrage est un peu besogneux. Elle donne l’impression de craindre son adversaire, en « soutenant » sa challenger à l’UMP et en lui offrant un débat.

Mais les jeux sont loin d’être faits. Anne Hidalgo a un gros potentiel et peut surprendre. Si elle ne parvient pas à convaincre, des primaires ne sont pas à exclure et pourraient alors, changer la donne.  Rappelez- vous de Jack Lang…

Mais à l’heure qu’il est, on peut dire, sans crainte d’être vraiment contesté : « avantage NKM ! »    

Partager cet article
Repost0
8 mars 2013 5 08 /03 /mars /2013 18:22

Nommé chef du gouvernement le 22 février, Ali Larayedh  a présenté vendredi 8 mars son gouvernement, issu de la crise qui a suivi l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd.

On se souvient que cette affaire,  avait provoqué un véritable schisme au sein du mouvement islamiste Ennahdha, au pouvoir en Tunisie. Certains de ses responsables craignaient d’être accusés, sinon d’en avoir été les commanditaires, à tout le moins de fermer les yeux et de laisser le champ libre aux extrémistes.  

Le Premier ministre d’alors, Hamadi Jebali, avait estimé qu’il ne pouvait plus continuer d'exercer sa fonction comme si de rien n’était. Il avait proposé un gouvernement de personnalités indépendantes qui le mettraient au-dessus de tout soupçon. Les « durs » d’Ennahdha, avec à leur tête le président du mouvement, le Cheikh Rached Ghannouchi, s’y étaient fermement opposés. Ils avaient organisé deux manifestations populaires, avec comme mot d’ordre, le refus de céder le pouvoir aux technocrates.

La démission d’Hamadi Jebali a suivi. C’est dans ce contexte qu’Ali Larayedh, son ministre de l’intérieur, lui a succédé. Militant de la première heure, il a passé 10 ans dans les geôles de Ben Ali. C’est, à n’en pas douter, un homme solide, à la personnalité des plus affirmées. Après sa nomination comme ministre de l’intérieur, a circulé sur internet une vidéo, qui aurait été tournée lors de sa détention, le mettant en scène avec un autre détenu, en vue de le compromettre. Montage ou réalité, peu importe. Procédé abject, sûrement.  Ali Larayedh a surmonté cette douloureuse épreuve avec un courage peu commun. Sa dignité et sa force de caractère furent saluées par toute la société tunisienne.

A son passif, on lui a fait grief de ne pas avoir réagi avec suffisamment de détermination contre les exactions commises par les groupes salafistes, qui se sont constitués en milices pour faire  régner un certain « ordre islamiste » : attaques contre des débits de boissons vendant de l’alcool, mausolées de saints incendiés sur toute la Tunisie, universités et mosquées sous pression, attaques violentes contre les meetings de Nida Tunes, le parti d’opposition  et, en point d’orgue,  l’incendie de l’ambassade des Etats Unis.

Il est certain que l’affaire Chokri Belaïd sera pour le nouveau Premier ministre le critère déterminant de sa volonté de lutter contre les mouvements intégristes violents, qu’il n’a cependant jamais ménagés. On sait que la police tunisienne  est l’une des meilleures du monde, à raison du réseau d’informateurs qu’elle a su constituer, tant sous Habib Bourguiba que sous Zine Eddine Ben Ali. On sait aussi que dans pareil dossier, elle n’agit  qu’avec le feu vert des politiques.

    

Il semble bien qu'elle l'ait reçu d'Ali Larayedh le 26 février, quatre jours après sa nomination comme Premier ministre, il avait annoncé dans un point de presse, l’identification des assassins présumés de Chokri Belaïd, l’arrestation de trois d’entre eux, tandis que  l’auteur principal présumé était activement recherché. Avec ces arrestations, il a envoyé un signe clair aux extrémistes, mais aussi à ses détracteurs comme à ses partisans.   

 

Toutefois, seuls l’arrestation de l’auteur principal présumé et un procès qui ferait toute la lumière sur cette affaire, mettraient fin à une certaine équivoque.  

Ali Larayed a envoyé un autre signe positif, en recevant Beji Caïd Essebsi, le leader de la principale force d’opposition à Ennahda, son  ennemi « juré ».

Le nouveau gouvernement qu’il vient de former montre qu’Il a su faire la synthèse entre les durs et les modérés d’Ennhadha. Les ministères régaliens, intérieur, justice, affaires étrangères, défense, ont été attribués à des personnalités de la société civile, ou à tout le moins à des personnalités non marquées politiquement, magistrats à la défense et à l’intérieur, un journaliste-  diplomate aux affaires étrangères, un professeur de droit à  la justice.   

Le risque est que la faiblesse politique des titulaires de ces quatre ministères, conduise le Premier ministre à en être le véritable chef, en l’absence de tout contrepoids et que l’on soit en présence d’une opération blanche.

Ensuite, se pose une question majeure : les élections générales n’ont toujours pas eu lieu en Tunisie. L’Assemblée Nationale Constituante (ANC) qui avait été élue pour élaborer une constitution, joue le  rôle de parlement et ne semble pas pressée de passer à la phase suivante du processus démocratique, qui avait été prévue pour le mois d’octobre 2012.

Ce gouvernement devrait avoir pour objectif principal, en concertation ave l'ANC, de fixer la date des élections et de les organiser. Lors de sa conférence de presse qui a suivi la présentation du gouvernement, le Premier ministre a évoqué la date d'octobre 2013, comme pouvant être envisagée. Cette date est trop lointaine, d'autant que le parti au pouvoir sait que le temps joue contre lui et que l’engouement dont il a bénéficié au lendemain du départ de Ben Ali s’amenuise un peu plus chaque jour. La tentation sera grande de rester le plus longtemps possible dans ce statut quo. N’oublions pas que pour son premier mandat, Ben Ali avait été élu, selon les observateurs, de la façon la plus régulière qui soit...  

Partager cet article
Repost0
6 mars 2013 3 06 /03 /mars /2013 06:52

 

A l’heure où la gauche, confrontée à la réalité de la situation économique, envisage de prendre des mesures de sauvegarde dans des domaines aussi tabous que les salaires, le temps de travail, les prestations sociales et dans celui des retraites, certains syndicats, parmi les plus importants,  s’y opposent avec la dernière énergie.

 

Ils refusent par la même, de voir  la formidable remise en cause de l’équilibre économique général qui s’opère à travers le monde, la concurrence effrénée des pays émergents, le différentiel des coûts du travail, qui se situe dans un rapport qui peut aller de 1 à 10, pour des activités identiques,  avec une main d’œuvre de plus en plus qualifiée, qui déferle sur le marché de la mondialisation.

 

Il ne tiennent certainement pas compte de ce qu’à une heure-et-demie d’avion de la France, le salaire minimum est de 143 €  pour 48 heures de travail par semaine (smic tunisien juin 2012), avec des personnels de la meilleure qualité, parlant de surcroît un français parfait.

 

Ils ne s’intéresseront pas plus  à cet indice qui en dit plus que de longs discours : pour la première fois cette année, le PIB des pays émergents devrait dépasser celui des pays développés.

 

Ils se contentent de répéter inlassablement, à l’occasion de chaque conflit social, «  qu’il y a de l’argent, qu’il suffit d’aller le prendre là où il est » qu’il faut interdire les licenciements (boursiers) et le cas échéant qu’il soit procédé à la nationalisation des entreprises. .

 

Ils utilisent singulièrement, pour répondre aux plans sociaux et aux fermetures d’entreprises, qui résultent de l’affaissement généralisé des commandes, les mêmes armes, que celles de leurs prédécesseurs dans les années 50, cherchant à obtenir des augmentations de salaire : grève, occupation, intransigeance. Nous étions alors dans une époque de croissance, de plein emploi et de protectionnisme… 

   

C’est dans ce contexte que FO et la CGT n’ont pas signé l’accord du 11 janvier 2013, relatif à la « sécurisation de l’emploi ». Cet accord a pour objet de  permettre aux partenaires sociaux de négocier des baisses de salaires et/ou une augmentation du temps de travail, en échange d’un maintien de l’emploi pendant la durée de l’accord, qui sera au maximum de deux ans.

 

Le gouvernement a cherché, par cet accord, à préserver l’intérêt des salariés en matière d’emploi, tout en permettant aux entreprises, d’avoir « les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels». On peut raisonnablement penser qu’avec cette flexibilité, l’employeur embauchera plus volontiers qu’il ne le faisait.

 

Le texte a été signé par le MEDEF et trois organisations de salariés CFDT, CFTC et CFE-CGC. Il doit maintenant être soumis au parlement. FO et la CGT ont appelé les salariés à manifester contre son adoption.  

 

C’est pourtant le minimum de ce qui pouvait être fait dans la situation actuelle. Cet accord est   la partie la plus réaliste de l’action gouvernementale. Il est dommage qu’il n’ait pas fait l’unanimité. 

Partager cet article
Repost0
6 mars 2013 3 06 /03 /mars /2013 06:49

  

 

Cet article  a été sélectionné par le journal en ligne l'EXPRESS.fr et publié à sa Une.

FO et la CGT n’ont pas signé l’accord du 11 janvier 2013, relatif à la « sécurisation de l’emploi ». Son objet est de  permettre aux partenaires sociaux de négocier des baisses de salaires et/ou une augmentation du temps de travail, en échange d’un maintien de l’emploi, pendant la durée de l’accord, qui sera au maximum de deux ans.

 

Le gouvernement a cherché, par ce mécanisme, à préserver l’intérêt des salariés, tout en permettant aux entreprises, d’avoir « les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels».

 

Le texte a été signé par le MEDEF et par trois organisations de salariés CFDT, CFTC et CFE-CGC. Il doit maintenant être soumis au parlement.

 

FO et la CGT, ont appelé les salariés à manifester et à faire grève le 5 mars contre son adoption. FSU et Solidaires se sont associés au mouvement.  

 

A l’heure où la France est confrontée à un péril  économique sans précédent et que la gauche, la mort dans l’âme, remet en cause des acquis sociaux aussi sacrés que ceux portant sur les salaires, le temps de travail,  les retraites et peut-être même sur les prestations familiales, FO et la CGT, ont voulu adresser au gouvernement un message clair : aucune régression sociale ne sera admise. 

 

Certaines organisations syndicales s’opposent en effet à toute concession, de quelque nature que ce soit et poursuivent le même combat, avec les mêmes armes, qu’avant la crise.

 

Elles  refusent de prendre en compte le formidable bouleversement économique qui se produit à travers le monde, la concurrence effrénée des pays émergents, qui ont un différentiel sur le coût du travail, qui peut aller de 1 à 10, le déferlement sur le marché de la mondialisation d’une main d’œuvre de plus en plus qualifiée.

 

Elles utilisent toujours les mêmes modes d’action que ceux qui ont fait leur force, à une époque où la France connaissait la croissance, le plein emploi et le protectionnisme, alors  que la grève, les occupations de lieux de production, les démonstrations de violence, sont aujourd’hui sans effet sur les plans sociaux et les  fermetures d’entreprises, qui résultent de  l’affaissement généralisé des commandes. 

 

Les solutions, que certains de leurs responsables préconisent, sont aussi hors du temps : «prendre l’argent là où il se trouve », chez les « riches »,   interdire les licenciements, dont le seul objet est d’accroître le profit des patrons, nationaliser les entreprises déficitaires.

 

Conservatisme aveugle ? Surenchère sur fond de rivalités syndicales ? Démagogie ordinaire ?

 

Et si ces syndicats étaient tout simplement dans l’air du temps ? L’Europe connait aujourd’hui une forte poussée populiste, avec l’incroyable triomphe de Beppe Grillio aux élections générales en Italie.

 

Caractérisé par un type de discours prenant pour cibles « les élites » et prônant le recours au « peuple », le populisme a existé dans sa forme syndicale dans les années 50, avec Pierre Poujade. Très à droite, ce syndicalisme populiste se définissait comme une rébellion qui puisait dans le répertoire de la révolte contre les « gros », le fisc, les notables, au nom du bon sens des « petites gens ».

 

Toutes choses égales par ailleurs, se trouve-t-on aujourd’hui en présence d’un nouveau syndicalisme populiste, qui cette fois-ci serait de gauche ? S’interroger sur ce qui pourrait alors être considéré comme une dérive, est peut-être la meilleure façon, pour ceux-là même qui y tendent, sans certainement l’avoir voulu,  d’en prendre conscience.

 

 

Partager cet article
Repost0
25 février 2013 1 25 /02 /février /2013 17:05

Cet article  a été sélectionné par le journal en ligne l'EXPRESS.fr et publié à sa Une. 

Le surprenant échange épistolaire qui vient d’avoir lieu entre Arnaud Montebourg et Maurice Taylor, Pdg de l’entreprise Titan, est sans précédent notoire dans le monde de l’économie.

S’il est vrai que depuis qu’il est à Bercy, le pétulant ministre du redressement productif nous avait habitué à des prises à partie publiques contre des chefs d’entreprises, on peut citer à cet égard   Philippe Varin pour PSA, Lakshmi Mittal pour Arcelor Mittal ou Carlos Ghosn pour Renault, ces derniers s’étaient montrés fidèles à la tradition du monde de l’économie, et avaient su maintenir leur communication dans une certaine réserve.

Maurice Taylor ne les a pas suivis sur cette voie, et sa personnalité quelque peu atypique paraît insuffisante pour expliquer l’attaque virulente qu’il a porté à l’encontre de la CGT, des ouvriers français et de leur ministre, d’autant  qu’elle venait en réponse à une lettre de celui-ci, d’apparence anodine, dans laquelle il demandait au Pdg de Titan, d'entamer des discussions pour reprendre, au moins partiellement, l'usine Goodyear d'Amiens Nord, menacée de fermeture.

Comment peut-on alors expliquer l’ire qui s’est emparé du chef d’entreprise américain? Il semble résulter des courriers échangés que le ministre n’a pas été en mesure de donner  à la société Titan les éléments qui lui auraient permis de surmonter l’échec des négociations entreprises, ou de lui donner des gages sur la  situation grandement conflictuelle qui venait de l’opposer à la CGT, le Pdg de Titan ayant  particulièrement mal vécu ce dernier épisode, avec celui qu’il a qualifié de « syndicat fou ».

Il est sûr que la sollicitation du ministre, sans rien apporter au débat et en l’absence de tout élément objectif propre à le faire progresser, était vouée à l’échec et pouvait même être perçue, comme une pression indélicate, résultant de la seule qualité de son auteur.

Car en effet, chacun sait bien que l’Etat ne dispose dans ce domaine de la concurrence que de pouvoirs réduits, limités à ceux de ses services, en tant que facilitateur, pour agir sur ce type de transaction et que même si l’entreprise américaine avait fait preuve d’une certaine bienveillance,  elle  n’aurait rien eu à en attendre en retour.

En  allant au-delà de la péripétie Titan, on peut dès lors se demander, s’il est aujourd’hui du rôle d’un ministre de la République, de partir ainsi  à la chasse  aux repreneurs d’entreprises, et de jouer les Don Quichotte, épée de bois au clair et logo du ministère des finances au vent, ajoutant à l’échec programmé, le risque constant de se voir opposer une humiliante fin de non-recevoir, ou/et celui d’essuyer de son interlocuteur, dédain et mépris.

Il ne semble toutefois pas que ce type d’état d’âme soit partagé. Le démon du  verbe et de la communication prenant une fois de plus le dessus, Arnaud Montebourg a répondu à son tour au Pdg de Titan. Et il l’a fait de la pire des façons qui soit. Il a évoqué le marquis de Lafayette, il a fait référence au débarquement américain en Normandie et à je ne sais plus trop quoi ou qui encore … Il a enfin ajouté, pour corser le tout, une incroyable menace de contrôles douaniers « redoublés », contre les marchandises de son interlocuteur, menace qui en réalité, au-delà de son caractère totalement inapproprié, a retenti, pour le ministre du redressement productif, comme le terrible aveu de l’impuissance de l’Etat et par la même, comme celui de la sienne propre.

Partager cet article
Repost0