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3 mars 2021 3 03 /03 /mars /2021 08:53

Un ancien président de la République, un haut magistrat de la cour de cassation, un ténor du barreau de Paris, tous trois debout, côte à côte, qui écoutent penauds les bras le long du corps, le prononcé de leur condamnation à trois années de prison dont une ferme, pour corruption et trafic d’influence.

Une humiliation parmi les pires qui soient, un choc terrible pour des prévenus qui s’attendaient à une relaxe.

Des années d’enquêtes, des centaines d’heures d’écoutes téléphoniques, un déploiement d’enquêteurs et de magistrats mobilisés sans mesure, les communications téléphoniques du gratin du barreau parisien surveillées dont celles de l’actuel garde des sceaux, une procédure gigantesque qui aboutira à une audience publique de plusieurs jours, avec un jugement de 254 pages rendu ce 1er mars 2021.

La justice pourtant de plus en plus pingre, même pour des procédures qui touchent à l’intégrité des personnes, n’a pas été comptable de son temps ni de son argent, pour une affaire sur le fond somme toute dérisoire, insignifiante en soi, qui n’a causé aucun préjudice à qui que ce soit, qui n’a même indisposé personne, dénuée de tout intérêt, si ce n’est la personnalité des intéressés.

Pour Nicolas Sarkozy, une affaire de plus, venant après plusieurs autres, qui s’étaient achevées sans aucune condamnation. Mais il faut toujours se méfier de l’eau qui dort. Cette fois-ci, ce sera  une série de maladresses, qui prises individuellement ne sont pas illégales, mais dont l’accumulation a créé un contexte, qui a certainement contribué à emporter la conviction des juges.

Mais que s’est-il passé ?

D’après ce que l’on a pu lire ou entendre, il y a plus de six ans, Nicolas Sarkozy a souhaité récupérer ses agendas de rendez-vous présidentiels, qui avaient été saisis à l’occasion de l’affaire Bettencourt, affaire qui s’était terminée par une relaxe ou un non-lieu, je ne sais plus.

Une demande aux fins d'annulation de leur saisie, pendante devant la cour de cassation et sur laquelle l'ancien président était impatient d'en connaître le résultat.

L’ancien président en parlera alors naturellement à son avocat et celui-ci, croyant bien faire, en parlera à l’un de ses amis avocat- général à la cour de cassation, pour qu’il s’informe auprès de ses collègues.

C’est un peu dans l’ADN de ces hommes de pouvoir de la vieille école, ou de ceux qui gravitent autour, que de chercher à passer par des chemins de traverse ombrageux, même quand la voie normale suffirait.

Peut-être que l’avocat a voulu faire preuve de zèle vis-à-vis de son prestigieux client, en actionnant ses relations jusque dans le saint des saints de la justice.

Mais tout ne va pas toujours comme l’on veut et le Haut magistrat contacté, a saisi l’opportunité qui lui était donnée, pour lui faire part à son tour d’une demande qu’il avait faite auprès de la principauté de Monaco, pour obtenir des vacations au sein de la juridiction monégasque.

Demande saugrenue de la part d’un haut magistrat, que celle consistant à rechercher un emploi manifestement sous calibré, dans une juridiction juridiquement de peu de prestige et d’avoir sollicité un ancien président de la République pour qu’il intervienne dans cette piètre affaire.

Nicolas Sarkozy, répondra semble-t-il à l’avocat, ce que répondent en substance tous les hommes de pouvoir assaillis de ce type de demandes incongrues : je verrais ce que je peux faire mais je ne promets rien. Et il ne fit rien.

Notons pour la petite histoire, que le haut magistrat lui non plus ne fit rien de déterminant, ses collègues entendus par la police ont déclaré n’avoir  reçu aucune demande de sa part, ce qui n’est pas étonnant, les coups de bluffs étant légion dans ce type de relations. 

Pour faire bonne mesure dans les absurdités, tout ceci par voie d’échanges sur un téléphone portable avec une ligne ouverte au nom de Bismuth, une autre lumineuse idée de l’avocat qui sans être illégale, est à tout le moins des plus discutables quant à son intérêt, sauf à rendre les échanges avec son client des plus suspects ; on connait la suite…  

Et comme M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, ces trois hautes personnalités venaient de prendre le tournant du déshonneur de leur vie en scellant, certainement sans même s’en être rendu compte, le jugement qui quelques années plus tard, les feront condamné pour corruption par la 32e chambre du tribunal judiciaire de Paris.

Ils ont donné comme l’on dit le bâton pour se faire battre.  

Comment en est-on arrivé là ?

Le jugement l’explique clairement : outre les éléments constitutifs des infractions reprochées, c’est la personnalité des prévenus qui a joué à fond dans cette affaire, ainsi que  des manquements graves à la morale et à la déontologie, inacceptables selon une sociologie qui a consacré des rapports nouveaux entre les individus et la société.

Pendant longtemps, pour un haut responsable politique, le fait d’avoir eu la confiance du peuple pour exercer les plus hautes responsabilités, ou pour un avocat d’être respecté et reconnu par son ordre, ou pour un magistrat d’être arrivé au sommet de la pyramide judiciaire, étaient des atouts qui, en cas de mauvaise fortune, allaient s’inscrire à leur crédit. Aujourd’hui, d'atténuantes, les circonstances sont devenues aggravantes et susceptibles d’emporter la conviction des juges pour le prononcé de peines lourdes.

Mais que l’on ne se méprenne pas, il n’y a là aucune vengeance ni aucun règlement de compte et le syndicat de la magistrature n’a rien à voir dans cette affaire. Ce serait d’ailleurs lui donner une importance qu’il n’a pas, même si il a participé avec beaucoup d’autres, à la cristallisation de l’évolution de notre société vers un monde où tout doit être égal à tout et où certains pensent devoir à tous les niveaux, rééquilibrer le fléau de la balance au profit de ceux, pour qui la vie n’aura pas été favorable,  quelles qu’en soient les raisons.

Cela va beaucoup plus loin que l’évolution de la justice au sein de l’appareil judiciaire, celui-ci n’étant qu’un épiphénomène parmi d’autres, résultant d’un processus général.

C’est en effet en réalité la société toute entière qui a évolué au cours des dernières décennies. L’état d’esprit a changé, on a changé de paradigme.

Autrefois, celui qui réussissait était respecté et admiré, et ses proches se plaisaient à s’identifier à lui.

Aujourd’hui, les choses ont bien changé, il y a envers eux une suspicion d’improbité, voire d’immoralité objective, pouvant parfois aller jusqu’à la détestation, au motif qu’ils renvoient envers les autres   l’image de leur échec, un échec qu’ils vivent comme une injustice de la société envers eux.      

De la sorte, rien ne sera pardonné à celui à qui la vie a souri. Et si par malheur il dévie du droit chemin le plus strict, la société ne l’épargnera pas et peu importe que ce soit à son travail, à son talent et à ses efforts que l’on doit attribuer sa réussite.  

Les temps ont changé. Et pourtant, pourtant...

Assise au premier rang, une si belle femme, si élégante, à qui la vie a tout donné, trop donné pour certains. Elle assiste à l’audience de son président de la République de mari poursuivi pour corruption.

En laissant paraître Carla Bruni à une des audiences du tribunal où il était prévenu, Nicolas Sarkozy a montré qu’il n’avait aucunement  perçu les évolutions sociales de ce nouveau monde qui est venu en ce premier mars deux mille vingt et un, le heurter à pleine vitesse, au moment où il s’y attendait le moins. 

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